Fauoro, Une Rivière Préservée.

« Mai te âuà o Roniu te fāraa mai te pape rahi o Fauoro e hee atu i raro i te ava i Havaè »
« De la vasque de Roniu naît la grande rivière de Fauoro qui finit sa course dans la passe Havaè »

Localisation

La rivière Fauoro se forme  à partir du âuà rahi (grande vasque) situé au pied du mont Roniu, la plus haute montagne de la Presqu’île de Taiàrapu, qui culmine à environ 1332 m d’altitude.

Elle se déverse dans la vallée de Tiirahi, qui demeure encore vierge et intacte car elle est très peu visitée, à l’exception de quelques habitants et pêcheurs de chevrettes.

Appelée autrefois Tiirahi, cette rivière  change de nom et devient Fauoro suite aux grandes crues survenues dans les années 1930¹

La Vallée

Elle se trouve à la fin de la route de Teahūpoo au « Pk zéro ».

Pour la visiter, une autorisation de randonnée doit être obtenue auprès de la mairie. Il faut compter environ 4 h de marche. On gare sa voiture sur le parking de la plage et on prend le chemin de terre qui longe la rivière et les habitations du domaine Parker.

Le cours de la rivière est ombragé par des tumu pūrau et l’eau y coule, fraîche et limpide.

Des anguilles de belle taille, nourries régulièrement par les habitants du quartier s’y promènent nonchalantes. Elles sont accompagnées de jeunes nato, à la robe aux reflets argentés, et aux grands yeux qui scrutent la surface de l’eau à la recherche d’insectes tombés dans l’eau.

On arrive à un gué qui permet aux habitants de la rive gauche qui possèdent une voiture tout terrain, de traverser la rivière en période d’étiage. Vous y verrez peut-être des moora ôviri nager et plonger le bec dans l’eau pour y pêcher de petits invertébrés aquatiques dont ils sont friands.

La rive gauche est plantée de paì taro, de bananeraies,  de champs d’agrumes et autres arbres fruitiers, qui s’épanouissent dans cette plaine alluviale fertile.

On traverse ensuite une zone fortement dégradée par l’extraction de matériaux dans le lit mineur de la rivière, qui a provoqué l’assèchement des parcelles riveraines…

…recouvertes maintenant par une végétation secondaire pauvre. Rochers et sables y ont été prélevés dans les années 1980 pour des travaux d’aménagements divers. Quelques enrochements ont été effectués sur les berges.

Puis on arrive dans la partie intacte de la vallée, qui a conservé sa végétation dense et luxuriante, typique des vallées tahitiennes, elle s’étend sur une longueur d’environ 14km : sous la forêt de pūrau, ou on se fraie un chemin entre les ôpuhi. On doit souvent se pencher et passer sous les branches basses recouvertes de mousses, de fougères maire et ôàha et autres petites plantes épiphytes. On devine parfois un sentier qui mène à des bains irrésistibles par leur clarté et leur fraîcheur. On longe des parois de roche volcanique ruisselantes, où prospèrent fara pepe aux longues racines aériennes, et àpe aux larges feuilles gorgées d’eau.

On rencontre des petites cascades au bord desquelles croissent les nahe, ces grandes fougères indigènes aux feuilles odorantes. Ces cascades descendent des peho fēî, ou vallons suspendus où prospèrent les fēî, ces fruits recherchés qui, cuits, écrasés et mélangés au lait de coco, sont le premier aliment solide des bébés tahitiens.

On s’arrête en général à la croisée des affluents de la Fauoro, encaissés entre les flancs abrupts des monts environnants où l’on se pose avant de faire demi-tour. S’aventurer plus en amont demande une bonne condition physique  et plus de temps.

Une fois revenus à l’embouchure, on accède à la plage de sable et de galets noirs, issus de l’érosion des roches roulés, écrasés, meulés, polis pendant des millénaires par la rivière Fauoro.

La Plage Publique

Cette plage accueille à la fois les habitants du lieu comme les pêcheurs qui sillonnent le long de la plage jusqu’à la pointe Faremahora et au-delà, car ce site sert avant tout de guet.

On y assiste parfois au très beau spectacle d’enfants qui se laissent glisser sur les vaguelettes de Havaè.

Un concours annuel de hōrue ou surf traditionnel « Faahee i te tau mātāmua » y est d’ailleurs organisé fin août. Petits et grands s’essaient aux méthodes de glisse pratiquées autrefois. Ils utilisent alors, comme le fit en son temps l’illustre surfeuse Vehiatua², des planches en bois sans leach ni dérive et, comme elle, portent des feuilles de àutī autour du cou. Sur cette plage se déroule aussi des évènements culturels (danses, ôrero), religieux (regroupement de jeunes) et sportifs (surf, pétanque).

La Rive Gauche

On peut aussi franchir la passerelle qui sert de chemin d’accès aux familles habitant sur la rive gauche. Sur la ligne électrique qui la surplombe, des dizaines d’oiseaux de mer sont perchés ; ils scrutent une proie bien tentante, les bancs de nato et de âtii qui affectionnent cette zone où l’eau douce se mêle à l’eau de mer.

On peut marcher le long du bord de mer, ou suivre le sentier fleuri et ombragé qui longe les propriétés du bord de mer. On traverse les petits cours d’eau alimentés par les sources Torea et Faupapaparaha.

Parmi les arbres comme le àito, pūrau, ùru, vine, qui ombragent le littoral, le àutaraa ou àuariiroa mérite une attention particulière. Appelé aussi arbre-parapluie en raison de ses branches en étages réguliers qui s’étalent à l’horizontale , il sert d’abri pour se protéger de la pluie ou du soleil.

Son fruit a la forme d’une coque ovale qui devient rouge et tombe lorsqu’il arrive à maturité. Les enfants s’attroupent, ramassent les fruits de cet arbre, et passent des heures assis à casser les coques à l’aide d’une pierre pour récolter les petites noix à l’intérieur.

Recette du àutaraa grillé : Pour  préparer cette recette simple, il faut 1 bol de noix de àutaraa. Verser les noix dans une poêle sans matière grasse. Faire griller à feux doux pendant 10 mn. Les noix grillées sont dressées dans une assiette sur un lit de rondelles de bananes.

Le Surf à Teahupoo

La rivière Fauoro a ouvert la passe de Havaè, connue mondialement depuis 1997 par les surfeurs de haut niveau pour sa vague mythique « Pererure ».

Lorsque la puissante houle de Sud/Sud-Ouest déferle, d’énormes vagues se succèdent et forment un tube parfait avant de s’écraser sur le récif. C’est un des spot de surf les plus dangereux au monde en raison de la proximité du récif et de sa forme en angle droit qui force la vague à se refermer.

Lorsque les compétitions internationales ont lieu, le village de Teahūpoo s’anime : des petits stands ou fare occupent la place autour du PK 0 sur une période de deux semaines à trois semaines d’activités.

La pointe Fare Mahora accueille toute l’organisation technique et médiatique de l’événement.

C’est là aussi qu’ont lieu les cérémonies d’ouverture, de remise des prix et d’animations. Les personnes détentrices de l’histoire de Teahupoo sont invitées à en partager quelques épisodes et elles mettent à profit leurs temps de parole pour glisser un message de sauvegarde et de protection de la Fauoro de la montagne jusqu’à la mer.

On peut aussi emprunter la passerelle métallique qui sert de chemin d’accès à pied aux familles habitant sur la rive gauche, et longer le bord de mer jusqu’à la pointe Fare Mahora.

Un paripari qui chante la princesse Vehiatua surfant la vague Pererure en prenant son souffle Àrueroa de Tiirahi ou Fauoro. 

Àrue roa te mataì

Àrue roa, e mataì haumārūuru
Tei na roto mai Tiirahi
Tei reira toù hiòraa atu
I roto i Havaè
Ua faatautau te àre o Pererure
I reira toù manaònaòraa
Ia oè taù here

Taù here i te mata nevaneva
Arii vahine i te au faahee
Ua hee, ua hee
Moremore to tino i nià i te àre
E ua maoà to rouru
I nià i te mataì maraamu

(o Manārii TEUIRA, òia o Tātī, te fatu pehe)

Notes

1 Orsmond PARKER, habitant de Teahupoo, né en 1935

2 L’histoire de Vehiatua, jeune surfeuse originaire de Raìatea et venues à Teahupoo pour participer aux compétitions de horue, est à lire dans les « Mémoires de Marau Taaroa dernière reine de Tahiti », de Tekau POMARE, Société des Océanistes n°27, Paris 1971.

Bibliographie

ADAMS Henry, « Mémoires d’Ariitaimai », Société des Océanistes n° 12, Paris 1964.

RODRIGUEZ Maximo, « Les Espagnols à Tahiti », Société des Océanistes, 1995.

HENRY Teuira, « Tahiti aux temps anciens », Bishop Museum bulletin n°48, 1928, ou Société des Océanistes n°1, Paris 1968.

POMARE Tekau, « Mémoires de Marau Taaroa dernière reine de Tahiti », Société des Océanistes n°27, Paris 1971.

DI GIORGIO- TEAMOTUAITAU Josiane, « Faatià mai ia Taiàrapu ! Grandeur et décadence des Teva i tai », édition PARAU, Tahiti 2016.