La majorité des espèces d’oiseaux terrestres de Polynésie sont endémiques (ils ne se rencontrent que dans notre pays et  sont uniques au monde). La grande majorité de ces oiseaux vivent dans les forêts des vallées à proximité des cours d’eaux ; c’est pourquoi la qualité de ces milieux est nécessaire à leur survie. Elles sont liées à leur environnement qui leur fournit proies et sites de nidification. Certaines espèces dépendent directement des rivières qui coulent dans ces vallées jusqu’au lagon et à la mer.

C’est le cas du ào, le héron strié qui est fortement dépendant du milieu particulier des boisements de pūrau qui occupent les berges des rivières à leur embouchure.

C’est un oiseau d’environ 40 cm pour 55 cm d’envergure. Le mâle et la femelle sont semblables. Les adultes ont le dos, les ailes et la calotte bleu-gris présentant parfois des irisations bleues-vertes. La gorge, la poitrine et le ventre sont de couleur ocre, irrégulièrement tachetés de blanc. Le bec est fort et puissant, les pattes jaunes. Les individus de moins de un an, ont les extrémités des couvertures claires, formant des stries caractéristiques sur les ailes, de moins en moins marquées à mesure que l’oiseau vieilli, elles sont absentes chez l’adulte. Chez les juvéniles jusqu’à deux à trois mois, le plumage est doré et strié de noir sur tout le corps, et présente également des stries blanches sur la poitrine et les pattes sont noires.

Le Ào ne se rencontre aujourd’hui qu’à Tahiti en Polynésie bien que des ossements fossiles aient été retrouvé à Huahine : il est probable qu’il occupait la plupart des iles haute de l’archipel de la Société avant l’arrivée des polynésiens dans ces îles.

Sur Tahiti il occupe les estuaires des rivières d’au moins 8 rivières des districts ruraux du sud de Tahiti et de la presqu’île. La baie de Port Phaëton et la lagune de Mitirapa sont parmi les derniers refuges pour cette espèce. Curieusement on peut facilement en observer dans la zone urbaine du grand Papeete (Parc Paòfaì).

Au début du 20ème siècle, l’espèce était assez commune sur Tahiti. Dans les années 1920 l’espèce était présente dans dix des quatorze vallées alors prospectées. Entre 1971 et 1974, plusieurs couples sont localisés, entre autres, dans les grandes vallées de l’île, depuis l’embouchure des rivières jusqu’à plusieurs kilomètres en amont. En 1993, l’espèce n’est plus mentionnée que dans trois des quatorze vallées prospectées en 1920, et sur l’ensemble des 39 vallées prospectées alors, seules huit abritaient encore des Hérons striés. Les effectifs totaux étaient alors estimés à 100-120 individus. Un recensement réalisé en 2009 donnait un nombre maximal de 60 oiseaux. La population a donc connu une chute drastique de ses effectifs, surtout à partir de la seconde moitié du siècle dernier. Cette raréfaction semble due principalement aux sévères atteintes portées à l’habitat de l’espèce, notamment en raison de l’urbanisation de toute la frange littorale de l’île.

Il se nourrit essentiellement de poissons, de taille rarement supérieure à 30 mm, et peut ponctuellement compléter son régime alimentaire par des mollusques, crustacés et petits lézards

La reproduction a lieu surtout de septembre à mai, mais semble pouvoir se produire tout au long de l’année. Le nid est un amas ovoïde de branches, quasiment systématiquement posé au-dessus de l’eau et le plus souvent dans les pūrau. Un seul œuf est généralement pondu, et les jeunes sont autonomes 40 à 50 jours après éclosion à Tahiti. Le succès reproducteur a été évalué à 20,8 %, ce qui est excessivement faible.

Cette espèce est gravement menacée d’extinction à cause des aménagements des embouchures des rivières : déboisement des berges, rectification du lit des cours d’eau et enrochements. Il est nécessaire de prendre en compte ses exigences écologiques lors de ces travaux (replanter des bosquets de pūrau sur les rives par exemple).

D’autres espèces d’oiseaux plus courantes que l’on rencontre ailleurs dans les îles du Pacifique ont aussi besoin des cours d’eaux et des zones humides : c’est le cas du Moora, le canard à sourcil, du Meho, la marouette fuligineuse, et du Òtuu, l’aigrette de récif.

Le moora ôviri est un gros oiseau d’environ 25 cm. Il est de couleur brune dont le dessus de la tête est foncé et l’œil rehaussé d’un « sourcil » bien marqué. Le bec typique des canards est gris bleuté.

Les oiseaux fréquentent les lacs (lac Vaihiria), les mares, les marais, les lagunes (Port Phaëton), les bords de rivières les tarodières et les baies pour se nourrir. Ils sont assez grégaires se déplacent en couples ou en groupes pouvant atteindre quelques dizaines d’individus. Ils se nourrissent en eau peu profonde, sur des vasières et des prairies humides.

La reproduction est mal connue : on sait que l’accouplement ne peut se faire que sur un plan d’eau et que le nid est construit au sol dans la végétation herbacée avec des fragments végétaux (fougère) et des plumes. Les pontes connues comptaient de 6 à 9 œufs de couleur chamois chair.

Ils sont menacés par la chasse heureusement peu pratiquée à Tahiti et les rats qui s’attaquent aux œufs. Par contre le développement de plans d’eau artificiel (retenues de barrages hydroélectrique, voire fosses à lisier) leur offrent des opportunités de milieu de vie supplémentaires.

Le Meho est un oiseau de la taille d’un petit poulet dont la tête, la poitrine et le ventre sont gris foncé. Le dos et les ailes sont bruns noirs, le bec est gris clair, les yeux rouges et les pattes orange. Le croupion est rayé blanc et noir.

C’est un oiseau très discret, difficile à voir, qui a tendance à fuir et à se cacher dans la végétation. A Tahiti le meho fréquente les zones marécageuses, les tarodières et les forêts humides de montagne jusqu’à 1 500 m d’altitude. Il se nourrit vraisemblablement de petits invertébrés capturés au sol.

C’est un oiseau plutôt silencieux, actif au crépuscule et à l’aurore, dont les appels sont très variés. Il construit un nid simple fait de brindilles installé sous la végétation basse.

Le ôtuu est un oiseau de grande taille (environ 60 cm) cet échassier à pattes relativement courtes prend une posture du corps horizontale. Son bec et ses pattes sont jaunes. Le plumage est blanc ou gris ardoisé.

C’est un oiseau caractéristique des récifs coralliens et des plages, mais à Tahiti il fréquente aussi les cours d’eau des vallées jusqu’à plusieurs km en amont (ex : Lac Vaihiria). Il chasse surtout de petits poissons, mais il capture aussi des crabes marins.

Il construit son nid fait de brindilles et de branches dans les arbres et les buissons, dans des cavités de falaises. Les nids sont séparés de plusieurs dizaines de mètre ou regroupés en colonies d’une dizaine de couples.

Les vallées boisées humides sont aussi très importantes pour plusieurs espèces endémiques de Tahiti qui sont moins dépendantes des cours d’eau comme le ômāmaò, le Monarque de Tahiti et le ôtatare, la rousserolle à long bec. Ces deux oiseaux menacés ne se rencontrent plus que dans quelques vallées de Tahiti.

Très commun au XIXème siècle, le ômāòmāò est devenu extrêmement rare avec un effectif voisin de 60 oiseaux connus en 2018. Ce petit oiseau au plumage noir métallique chez l’adulte et orange chamois chez le jeune a un bec gris et des pattes gris bleuté, ne vit plus que dans 3 petites vallées de la côte ouest de Tahiti. Il se nourrit de petits insectes, d’araignées et de chenilles qui sont capturés activement dans la végétation arborée.

La nidification commence vers septembre et est terminée en avril. Le nid en forme de coupe est construit en mousse souvent décoré de toiles d’araignées principalement dans des mara qui poussent à proximité du lit des rivières dont le bruit du flot couvre les pépiements des jeunes. L’incubation dure 15 à 17 jours et le jeune est nourri pendant 3 semaines avant l’envol.

Après avoir frôlé l’extinction, il fait l’objet d’un programme de conservation intensif par l’association Manu depuis 1998 qui a permis de doubler ses effectifs et luttant contre ses prédateurs (rats, oiseaux introduits…)

Ôtatare ne se rencontre que dans des vallées de l’est et du sud de Tahiti (il est absent de la presqu’île).

C’est un oiseau dont la tête, le dos, les ailes et la queue sont marron clair ; la gorge, le ventre et le croupion sont jaune pâle. Le bec noir et jaune pâle est long. Certains individus sont entièrement noirs. On le rencontre souvent près des rivières dans des bosquets de pūrau et de bambous. Il chasse les insectes au sol ou dans les arbres et consomme à l’occasion des graines, des fruits, du nectar, parfois des mollusques et des petits lézards.

Ses effectifs sont mal connus mais ne doivent pas dépasser quelques centaines d’individus.

L’oiseau chante surtout le soir, perché dans la végétation, des trilles mélodieux qu’il peut enchainer sur plusieurs minutes.

Il se reproduit d’août à décembre est son nid est construit entre 3 et 15 m dans des arbres et des bambous (d’où son autre nom : manu òfe). Le nid en forme de coupe, d’un diamètre d’environ 10 cm, contient deux à cinq oeufs de couleur bleu pâle.

Les vallées de Tahiti hébergent aussi une faune endémique et indigène d’intéret : ôpeà, l’hirondelle de Tahiti et sa cousine la Salangane de la Société  qui porte également le nom ôpeà, le ûupa ou ptilope des îles du vent et le ruro, le martin chasseur vénéré.

Les ôpeà sont de petits oiseaux d’une dizaine de cm, au plumage noir (chez l’hirondelle la gorge est orangée et chez la salangane le croupion porte une marque blanche) la queue est plus échancrée chez l’hirondelle que chez la salangane. Le bec court permet de chasser les insectes en vol.

Ces oiseaux établissent leurs nids dans des falaises ou sous des surplombs rocheux. Les colonies sont lâches (2, 3 ou 4 nids distant de quelques mètres) pour l’hirondelle, alors que la salangane forme des colonies de plusieurs dizaines voire une centaine nids regroupés en une masse unique. Le nid est fait d’un mélange de mousses et de boue séchée.

Le ûupa est un joli pigeon au dos, ailes et queue verts et à la poitrine et au ventre gris clair. Le dessus de la tête est teinté d’un léger violet. Ce pigeon, largement répandu dans presque toutes les vallées de Tahiti, se nourrit des fruits des arbres des vallées endémiques, âpape ou introduits, motoì. Il émet un roucoulement caractéristique qui permet de l’identifier souvent avant de le voir.

Le ruro est un oiseau de la famille des Martins-pêcheurs facile à reconnaitre avec son bec noir, long et fort. À Tahiti, il chasse lézards et insectes à l’affut posé sur une branche. Quand il est dérangé par le passage d’une bête ou d’un homme dans son territoire il émet un cri d’alerte caractéristique sous la forme d’un trille strident et répété.

L’intérieur de l’ile de Tahiti est aussi visité saisonnièrement par des oiseaux migrateurs venant des régions de l’hémisphère nord où elles se reproduisent. Si le tēuè, le courlis d’Alaska est rare à Tahiti, le tōrea ou Pluvier fauve (de couleur brun, noir et blanc) et le ùriri ou Chevalier errant (de couleur grise) aiment aussi chercher leur nourriture le long du lit des larges rivières des vallées comme la Papenoo. Ces deux petits échassiers restent chez nous de septembre-octobre à avril, pendant l’été austral.

Un autre oiseau migrateur fréquente les forêts des vallées de Tahiti : le ârevareva ou coucou de Nouvelle-Zélande arrive de ce pays vers mars-avril pour repartir vers septembre. Cet oiseau tacheté de brun à la longue queue émet un sifflement strident qui porte loin et était censé annoncer la pluie.

Il peut paraitre étrange que des oiseaux marins se rencontrent dans les vallées et les montagnes, mais certains aux mœurs étranges y trouvent des sites pour établir leurs colonies. C’est le cas du Petea, le paille en queue à bec jaune, qui établit leur nid dans des trous de falaises à l’entrée de nombreuses vallées. On peut voir cet oiseau blanc à la longue queues faite de deux plumes, évoluer élégamment en petits groupes le long des falaises.

Les sommets et les pentes abruptes sont le domaine du noha, le pétrel de Tahiti et du tiraò, le puffin de Baillon. Ces deux oiseaux nichent dans des terriers qu’ils creusent sous les racines des arbres ou ils élèvent leur unique poussin pendant plusieurs mois. Alors qu’ils passent leurs journées en mer à pécher (seul pour le noha, en groupes pour le tiraò), ils ne reviennent à terre qu’à la nuit tombée. Les vocalises nocturnes sont parfois inquiétantes quand on ne les connait pas.

Si nos vallées sont le royaume des oiseaux endémiques plusieurs espèces introduites par l’homme s’y sont désormais établies, à commencer par le moa, le coq, amené par les polynésiens. Mais d’autres espèces ont été introduites après l’arrivée des européens comme le martin triste (plus connu sous le nom de Merle des Moluques), le bulbul à ventre rouge, le busard de Gould (que l’on appelle souvent épervier) et de petits granivores comme la géopélie zébrée et les « vini » comme le zostérops (oiseau à lunette). Certains d’entre eux ont eu un impact négatif sur les populations d’oiseaux endémiques qui ne connaissaient pas de prédateurs : ainsi le busard de Gould est considéré comme le responsable de la disparition du rupe, le carpophage de la Société, de Tahiti. Malheureusement d’autres espèces n’enchantent plus nos vallées de leurs chants comme le veà (râle à bec rouge), le ââ taevao (Perruche de Tahiti), le torome (chevalier à ailes blanches) ou le vini (lori nonette) qui en ont disparu il y a longtemps.

Les quelques lignes qui suivent, reprises dans « Tahiti aux temps anciens » de Teuira HENRY, sont extraites d’un livre du capitaine James Wilson et montrent combien les îles étaient riches en oiseaux :

« La densité de la tribu ailée est très grande. En plus des poulets, ils ont des canards sauvages, des perroquets de différentes espèces, le héron bleu et le héron blanc, des pics-verts, des tourterelles, fous, pétrels, ternes, pluviers, frégates, phaétons et bien d’autres encore que nous ne connaissons pas. Les montagnes sont remplies d’oiseaux de toutes tailles qui charment par leur plumage et leur chant; on ne les voit jamais dans les plaines ou à proximité de la mer. »

Les espèces d’oiseaux qui peuplent encore nos vallées sont une richesse de notre patrimoine naturel qu’il nous faut préserver au travers de la conservation de leurs milieux de vie naturels. Une vallée peuplée d’oiseaux est le signe d’une forêt et de rivières en bonne santé.