Honoùra and the Weird Women
Honoùra was born near Tautira, and was so huge a size, foul of appearance, and gluttonous an appetite, that his parents and his brothers hated him. One day he was fishing for crayfish in the water of Vaitapiha, in a place which is still shown, when his brothers came above him in the sides of the valley and loosened a rock and rolled it down upon his head. Honoùra caught it with his hand and sat upon it, and went on fishing. Then they loosened another and rolled it down; and he caught it with his hand and sat upon that also, and went on with his fishing. And his brothers were ashamed and went away. But the parents at last drove Honoùra forth; and he crossed the backbone of Taiàrapu, and found a cave and lived there like a dog until he had his growth. It is told he was so strong and greedy that he could bend a fruit tree to the earth and strip it of fruit before he let it rise again.
When he was grown he wandered the country as an àito or champion, and took sides in quarrels, and was ever victorious. The fame of the youth came thus to the ears of Teriirere, head chief of the eight Tevas, and he called Honoùra to Papara to be one of his braves; and this was the place where the great feat was done. The river Taru, which the traveler must now ford, to his sorrow, was at that time dammed up by devils, and lay in a pool, and two witches dwelt upon the bank, to be the wardens of the spell. It appears this spell could be broken, and the river loosed, by a man diving from the mountain. Many àitos had tried the adventure and all perished; but now it was the turn of Honoùra. He went up by the house of the witches and viewed the mountain, and there were three resting-places on the way. So he climbed to the first resting-place and plucked an àute with its scarlet flowers, and turned and cried out: ‘Two witches of the river Taru! Take up your beds and go higher; for I am going to dive, and the river will break over your house.’ Said the first witch to the second, when they sat in their house, ‘Here is another àito; perhaps we had better be careful.’ Said the second: ‘Wait a little; we shall burn his bones in our fire like the bones of those that went before him.’ Honoùra, carrying the àute, went on to the second and cried again in the same words and with the same result. Then he climbed to the third, which no man had dared to do before, and cried the third time. Then the first witch said: ‘Sister, this man has climbed higher than any of the others; he must be the strongest of all; perhaps we had better be careful.’ Said the second: ‘He will have the larger bones, and our fire will burn the brighter.’ They were so speaking when Honoùra threw down the àute like a dart, so that the water splashed to the threshold of the witches’ door. At this the first witch lost heart altogether, and ran forth out of the house, crying, ‘Honoùra, come down, do not jump!’ But already he had leaped; already she could see him cleave the air; and the next moment he struck the surface of the pool, and the dam was burst by the shock, and the river poured forth and carried away with it the house and the two witches. Now when Honoùra came to the surface and stood in the torrent to which he had given loose, and saw that the witches were gone, he made the one step, and that was a mile long, and you can see the place where he landed to this day; and he made the second, and overtook the crest of the flood, where the broken beams of the house were tossing, and plucked out the two witches and set them safe on the dry land.
Robert Louis Stevenson
Honoùra et les Sorcières
Honoùra naquit non loin de Tautira, et sa taille, sa laideur et son appétit étaient tels que parents et frères l’avaient en horreur. Un jour qu’il pêchait des chevrettes dans la vallée Vaitapiha, dans un lieu encore connu aujourd’hui, ses frères escaladèrent les flancs de la vallée et firent rouler un rocher pour l’écraser. Honoùra l’arrêta d’une seule main, s’assit dessus et continua de pêcher. Ses frères en firent rouler un second, mais encore une fois, il l’arrêta d’une seule main, s’assit dessus et continua de pêcher. Alors, ses frères, honteux, abandonnèrent. Ses parents, hélas, le chassèrent loin de chez eux ; il passa la crête de Taiàrapu, trouva une grotte et y vécut comme un animal jusqu’à ce qu’il devienne un jeune homme. On raconte qu’il était si fort et si gourmand qu’il pouvait faire ployer un arbre pour le dépouiller de ses fruits avant de le relâcher.
Parvenu à l’âge adulte, il prit part à de nombreux combats, et de défaites, ce àito n’en connut point. C’est ainsi que sa renommée parvint jusqu’à Teriirere, grand chef des huit Teva qui le fit mander à Papara afin qu’il se batte à ses côtés. C’est là que se déroula le fait le plus glorieux de son histoire. La rivière Taru qu’aujourd’hui le voyageur doit traverser à la nage était alors emprisonnée dans un étang par des démons, et deux sorcières qui habitaient sur le barrage étaient chargées de garder ses eaux prisonnières. Il était dit que le sort ne pourrait être brisé et les eaux libérées que par un homme qui plongerait du haut de la montagne. De nombreux àito avaient essayé de relever le défi et péri dans l’entreprise, puis vint un jour le tour de Honoùra. Il grimpa au niveau du logis des sorcières, observa la montagne et vit qu’il y avait trois terrasses qui y menaient. Il monta jusqu’à la première plateforme, cassa une fleur de àute rouge, se retourna et avertit les sorcières de la sorte :
« Vous deux, sorcières de la rivière Taru, prenez donc vos nattes et montez plus haut, car je vais plonger et votre maison sera détruite. »
À l’intérieur de la maison, l’une des sorcières dit à l’autre : « Voilà un autre àito, peut-être devrions-nous nous méfier… »
L’autre lui répondit : « Attends un peu et tu verras que nous brûlerons ses os comme nous l’avons fait avec ceux des àito qui l’ont précédé. »
Honoùra, tenant toujours à la main le àute, se rendit au second niveau et réitéra son avertissement dans les mêmes termes et avec les mêmes effets. Il grimpa alors jusqu’au troisième niveau, ce que personne, avant lui, n’avait osé faire, et avertit pour la troisième fois. La première sorcière dit alors : « Ma sœur, cet homme a grimpé plus haut que quiconque avant lui, il est sûrement le plus fort d’entre tous ; peut-être devrions-nous nous méfier. » L’autre lui répondit : « Qu’à cela ne tienne ! Ses os n’en seront que plus forts et notre feu plus intense ! »
Ainsi devisaient-elles lorsque Honoùra lança le àute dans l’eau comme il l’aurait fait d’une fléchette et l’eau éclaboussa l’entrée de la maison des sorcières. Aussitôt la première sorcière prit peur et s’enfuit à toutes jambes en hurlant : « Honoùra, descends ! Ne saute pas ! » Mais il était trop tard ; elle le vit s’élancer dans les airs et l’instant d’après retomber lourdement dans l’étang ; le choc fit exploser le barrage et l’eau dévala la pente en rugissant, emportant dans sa course la maison et les deux sorcières. Lorsque Honoùra remonta à la surface et se dressa dans le torrent qu’il venait de libérer, il vit que les sorcières avaient été emportées ; il fit un premier pas, d’un mille de long, dont on peut encore voir l’empreinte aujourd’hui ; il en fit un second pour dépasser la crête des flots, et parvint aux débris flottants de la maison des sorcières qu’il sauva en les ramenant sur la terre ferme.
Traduction J.Teamotuaitau